Le fil invisible - retisser le lien en soi, avec l’autre et le monde
- Caroline St-Onge

- 24 juin
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 sept.

Il existe, au creux de chacun, un fil. Invisible à l’œil, mais bien vivant dans les profondeurs du corps. Un fil discret, mais tenace, souple et vibrant, qui nous relie d’abord à nous-même — à notre souffle, à notre histoire, à nos élans. Puis, il s’étend, et nous relie aux autres, à ceux que nous aimons, à ceux que nous avons perdus, à ceux avec qui le lien s’est distendu, ou abimé. Ce fil ne disparaît jamais vraiment - il attend simplement que nous y prêtions attention.
Le fil invisible, une métaphore vivante
Quand ma fille était petite, nous avions notre rituel. Avant une séparation — pour l’école, la garderie ou une absence redoutée — je lui disais doucement : "On installe notre fil." Un fil invisible, toujours présent, peu importe la distance, les silences ou les circonstances.
Le fil invisible peut nous relier à un être, à un projet, à notre environnement, ou simplement à notre propre souffle. Il n’a pas de forme fixe : il peut être mince ou solide, souple ou tendu, lumineux ou discret. Il est ce qui émerge quand nous cultivons l’écoute, la présence et l’amour. Il n’a pas besoin d’être visible. Il a seulement besoin que nous soyons là.
Aujourd’hui, ce fil représente bien plus qu’un simple lien symbolique. Il incarne le tissu énergétique qui nous unit aux êtres importants de notre vie — qu’ils soient présents, éloignés, ou même décédés. Il est cette voie par laquelle l’amour circule, librement, sans contrainte afin de retisser le lien en soi et avec l'autre.
Un lien qui ne se rompt jamais
Même lorsqu’un lien semble brisé ou inatteignable, même lorsqu’il y a eu rupture, silence ou douleur… ce fil reste là, quelque part, silencieux mais présent. C’est cette conviction qui m’a portée dans des périodes plus difficiles — des moments de perte, de bouleversement ou de déracinement.
J’ai découvert qu’on peut avoir un impact sur une relation même sans contact. Que ce que nous cultivons en nous résonne à l’extérieur. Que le monde que nous créons dans notre chair, dans notre souffle et dans notre conscience, finit toujours par se refléter dans notre environnement.
Le corps, ce temple de résonances pour retisser un lien en soi et avec l'autre
Le corps est notre véhicule. Il conserve en mémoire toutes nos expériences, même celles que nous aurions préféré oublier. Il ne ment pas. Il parle le langage des sensations, des émotions, des tensions – des battements et des silences. Et c’est souvent lui qui nous guide vers le fil, même lorsque tout semble éteint.
Notre culture nous apprend à raisonner, à comprendre. Mais notre corps, lui, vit à un autre rythme. Il nous offre une sagesse ancienne, une intelligence enracinée dans nos cellules. En apprenant à l’écouter, à suivre son rythme, nous renouons avec le fil.
C’est là que mon parcours de yoga et d’accompagnement somatique a pris tout son sens. Le souffle, le mouvement, les émotions… tout devient langage. Et le fil se tisse à nouveau, à notre propre rythme.
Des liens qui vibrent, même à distance
Nous sommes tous reliés, à un niveau subtil, dans une matrice énergétique complexe. Et lorsqu’un individu change — lorsqu’il guérit, se pacifie, retrouve sa vérité — ce changement se répercute dans la trame, à l’intérieur de cette matrice vivante. Même sans échange direct, nos liens se transforment, parfois se renforcent, parfois se dissolvent avec douceur.
Ce fil n’est pas seulement symbolique : il agit, il pulse, il vibre. Il se renforce lorsque nous choisissons d’habiter pleinement notre vie, lorsque nous acceptons de ressentir, de guérir, d’aimer.
Les traumas se transmettent à travers les générations… mais la guérison aussi. Et chaque pas que nous faisons vers plus de présence, d’acceptation et de paix intérieure résonne dans nos relations, visibles ou invisibles.
Et si je ne sens plus rien?
Parfois le fil semble brisé, irréparable. Que le silence soit trop long, l’absence trop lourde, ou le chagrin trop vaste. Pourtant, il continue d’exister, même en silence, même lorsque tout semble éteint : le fil est là. Toujours. Il attend que l’on se souvienne. Que l’on se tourne vers soi. Il attend que l’on réapprenne à écouter cette intelligence profonde du corps, tissée dans la trame même de notre être. Et alors, le fil se tisse à nouveau.
Pour le retrouver, il faut accepter de prendre soin de soi. De s’offrir du temps. Accepter, peut-être, de changer, de laisser-aller, de se transformer. Tout changement, aussi intime soit-il, se répercute dans l’espace relationnel, à l’intérieur de cette matrice vivante qui nous relie les uns aux autres. Il transforme nos liens, même en l’absence de contact.
Quand les anciens repères ne suffisent plus, une douce confiance devient nécessaire — un saut dans l’inconnu, soutenu par la certitude que la vie met déjà sur notre chemin ce dont nous avons besoin. Et surtout, il faut accepter de faire le premier pas. Un pas guidé par un élan d’ouverture et de disponibilité.
Un pas guidé non par la certitude, mais par un élan de confiance. Une ouverture.
Et dans ce premier pas… quelque chose s’anime.
Quelque chose se reconnecte.
À soi. À l’autre.
À notre environnement.
Présents à ce qui est.



