top of page
Rechercher

Traverser le temps des fêtes autrement, par la cohérence intérieure

  • Photo du rédacteur: Caroline St-Onge
    Caroline St-Onge
  • 16 déc.
  • 8 min de lecture
Une lanterne allumée dans la neige, symbole de chaleur et de clarté au cœur de l’hiver.

Elle regarde les lumières suspendues aux balcons. Elles clignotent paisiblement dans le froid, mais en elle, rien ne scintille vraiment. Les fêtes devraient évoquer la chaleur, la douceur, un refuge partagé. C’est ce que tout le monde semble ressentir, du moins en apparence. Pourtant, chaque fois que décembre revient, une autre tonalité se dépose dans son corps, comme un léger décalage entre ce qu’elle devrait éprouver et ce que sa vérité intérieure lui murmure.


Il marche lentement dans une rue animée, mains dans les poches, souffle en nuages blancs. On lui demande souvent s’il attend Noël avec impatience. Il répond oui, par habitude. Mais une fatigue discrète apparaît chaque année, une vigilance tranquille, presque imperceptible, comme si son corps se souvenait d’un territoire déjà arpenté, où l’on avance en douceur mais jamais complètement détendu.


Quand les fêtes pèsent plus qu’elles n’illuminent

Pour beaucoup, la période des fêtes évoque la chaleur, le rassemblement et la joie partagée. Pourtant, un grand nombre de personnes ressentent au contraire une tension interne, un malaise diffus ou un sentiment d’être « à contretemps ». Ce n’est pas seulement une question de souvenirs liés à cette période. C’est tout ce que les fêtes représentent : l’idéal d’une famille soudée, l’image d’un amour sans faille, la croyance que les conflits devraient s’effacer parce que « c’est le temps des fêtes ».


Cet écart entre la norme culturelle et le vécu intérieur peut activer des mécanismes de protection bien ancrés, surtout chez les personnes qui portent des blessures relationnelles ou des expériences familiales marquées par l’insécurité. La littérature montre que cette période, chargée symboliquement et socialement, ravive facilement des mémoires implicites. Ce phénomène appartient au fonctionnement même du système nerveux, qui reconnaît instinctivement les contextes où la vulnérabilité a déjà été éprouvée.


Elle marche devant les vitrines illuminées et sent, sans raison apparente, une légère tension se déposer dans son ventre. Les fêtes réveillent en elle quelque chose de plus ancien que la saison elle-même : un mélange de vigilance et de douceur attendue. Une odeur, une musique, un décor suffisent à faire remonter des sensations qu’elle ne peut nommer. Ce n’est pas un souvenir précis, mais un écho corporel qui se réveille chaque décembre.


Lui aussi remarque ce changement subtil lorsque les lumières s’installent en ville. Son pas ralentit, sa respiration devient plus courte, comme si son corps anticipait sans réfléchir. Les fêtes ramènent leurs propres symboles, et avec eux une ancienne attente d’harmonie ou de reconnaissance. Rien de dramatique, juste une vigilance tranquille qui revient chaque année, même si tout semble aller mieux en surface.


Pourquoi cette période active autant de tensions


La pression culturelle

D’abord, la pression culturelle suggère que tout devrait être harmonieux, que l’on devrait se réunir sans tension et ressentir de la joie, même lorsque l’histoire familiale est complexe. Lorsque ce que l’on vit intérieurement ne correspond pas à cet idéal, un décalage se crée. Il suffit parfois d’une phrase comme « Allez, ce n’est pas le moment de faire des histoires », dite autour d’une table, pour raviver la sensation d’avoir dû taire sa réalité émotionnelle.


La recherche en psychologie relationnelle confirme d’ailleurs que les attentes culturelles amplifient la pression de « bien paraître », de maintenir l’harmonie ou d’éviter les conflits. Plusieurs personnes rapportent une recrudescence d’anxiété, de tensions corporelles, de perturbations du sommeil ou d’un sentiment de décalage intérieur. Même dans des familles non conflictuelles en apparence, la charge émotionnelle de cette période réactive des états internes associés à l’enfance ou à des expériences relationnelles difficiles. Le système nerveux compare inconsciemment la scène actuelle à d’anciens schémas d’insécurité — ce qui peut générer une appréhension diffuse ou une anticipation anxieuse.


Les mémoires implicites

Ensuite, les mémoires implicites liées à l’attachement se réactivent particulièrement facilement durant les périodes hautement symboliques. Le système nerveux, qui apprend par répétition, associe certains contextes aux états émotionnels vécus autrefois. Une odeur de nourriture qui rappelle une période de tension familiale, un décor similaire à celui d’une enfance chargée, ou même le simple fait d’entrer dans la maison d’un parent critique peut provoquer une contraction immédiate dans le ventre ou une vigilance accrue, sans que l’on sache pourquoi.


La littérature explique que ce phénomène est étroitement lié aux attentes fondamentales de l’attachement : être accueilli, être vu, être important, être aimé sans condition. Lorsque ces besoins ont été partiellement ou insuffisamment rencontrés, le temps des fêtes agit comme un rappel implicite. L’organisme peut alors réactiver de vieilles stratégies d’adaptation — se suradapter, se contenir, anticiper, éviter — qui avaient permis autrefois de survivre dans un climat relationnel instable.


Le temps des fêtes devient ainsi un contenant symbolique où se concentrent attentes, dynamiques anciennes et traces relationnelles. Un ton de voix trop familier peut réveiller la sensation d’avoir été mis de côté. Un silence prolongé lors d’un repas peut évoquer des années de non-dits. Un rituel répété — comme ouvrir les cadeaux en famille ou s’asseoir toujours aux mêmes places — peut réactiver le souvenir d’avoir dû jouer un rôle, se retenir ou faire semblant que tout allait bien.


L’anticipation

Cette période active aussi l’anticipation. Certaines personnes sentent déjà leur système se contracter avant même la rencontre : la peur d’un commentaire qui blesse, le souvenir d’un conflit jamais résolu, la perspective d’être confronté à une personne imprévisible, critique ou envahissante. Le corps se met alors en préparation, comme s’il devait se suradapter à un climat familial qui, même s’il est plus stable aujourd’hui, a déjà été source d’insécurité. La recherche souligne que cette anticipation est exacerbée par la diminution des repères habituels : les routines s’effritent, les obligations augmentent, et les espaces de régulation se raréfient, ce qui crée une plus grande vulnérabilité du système nerveux.


Les souvenirs d’enfance

Enfin, le temps des fêtes renvoie directement à l’enfance. Il peut rappeler un matin où l’on attendait que quelqu’un se réveille pour recevoir un peu d’attention, une atmosphère où l’on marchait sur des œufs, ou un moment où l’on aurait voulu être vu autrement. Ces souvenirs n’apparaissent pas nécessairement sous forme d’images ; ils émergent souvent sous forme de sensations — une boule dans la gorge, des épaules qui se contractent, un besoin de se retirer. La mémoire implicite ne se raconte pas, elle se ressent. Même au milieu des festivités, certaines personnes décrivent une forme de déconnexion intérieure, comme si elles observaient la scène de l’extérieur.


Le matin, elle tient son café entre ses mains, cherchant un point fixe dans la journée qui commence. Dehors, les décorations brillent encore, mais en elle quelque chose s’apaise très légèrement, comme un fil qui se détend. Elle remarque que certains gestes simples — la chaleur de la tasse, un souffle plus profond — créent une petite ouverture. Une sensation ténue que, malgré tout, un alignement intérieur pourrait redevenir possible.


En fin d’après-midi, il enfile son manteau et sort marcher comme il le fait chaque année à l’approche des fêtes. Le froid lui organise le souffle, le rythme régulier de ses pas apaise un peu la tension qui flotte encore sous la peau. Dans cette cadence familière, quelque chose s’aligne doucement. Il sent qu’il pourrait traverser cette période autrement, en s’appuyant sur ce qui l’apaise réellement plutôt que sur ce qu’il croit devoir ressentir.

 

Retrouver un axe intérieur : le rôle de la cohérence

La cohérence, telle qu’elle est comprise dans le champ de la psychothérapie somatique et des approches centrées sur l’attachement, représente un alignement intérieur. Elle se manifeste lorsque le corps, le cœur, les pensées, les gestes et les paroles vont dans la même direction. C’est une forme de justesse intime, une tranquillité discrète qui ne dépend pas des circonstances extérieures, mais d’un état interne.


Cette cohérence ne se résume pas à « être bien ». Elle inclut la possibilité de ressentir des émotions difficiles sans se perdre en elles. Elle inclut la capacité de dire non sans culpabilité ou de dire oui sans se trahir. Elle s’exprime dans une absence de tiraillement intérieur, dans une paix qui peut coexister avec l’imperfection, les défis, et même la solitude.


Pour plusieurs, cette cohérence intérieure se manifeste par une respiration plus fluide, un ralentissement des pensées, un apaisement du corps. Pour d’autres, elle ressemble à une certitude douce : celle d’être à la bonne place, même si tout n’est pas réglé. C’est un état qui rend possible des choix qui respectent les priorités profondes plutôt que les attentes externes.


Retrouver la cohérence dans une période chargée symboliquement

Le temps des fêtes peut devenir une occasion de faire un tri entre les croyances héritées et ce qui, aujourd’hui, fait réellement sens. Certaines personnes choisissent d’honorer de vieux rituels parce qu’ils leur apportent de la chaleur. D’autres créent de nouvelles traditions, plus simples, plus apaisantes, parfois solitaires mais profondément respectueuses de l’état intérieur dans lequel elles se trouvent.


Retrouver la cohérence, c’est aussi prendre soin de l’enfant en soi qui aurait voulu que les choses soient différentes. Lui offrir, enfin, ce qu’il n’a pas reçu : de la douceur, de la présence, de l’espace. Cela peut ressembler à passer la journée en pyjama, cuisiner un repas réconfortant, marcher dehors, écouter un film qui fait du bien, ou s’entourer uniquement des personnes avec lesquelles on se sent en sécurité. Parfois, c’est simplement s’accorder la permission de faire moins.


Dans l’accompagnement, la cohérence se reconnaît souvent dans des signes discrets : un visage qui s’adoucit, des épaules qui descendent, un souffle qui devient plus profond, un rythme de parole qui ralentit, ou même un émerveillement soudain devant une sensation de paix inattendue. Elle apparaît quand l’attention se déplace de ce qui manque vers ce qui fonctionne — même si ce quelque chose est minuscule. C’est ce déplacement qui permet d’amplifier ce qui soutient, plutôt que ce qui épuise.


Avancer avec ce qui tient déjà

Le temps des fêtes n’a pas à être un test. Il peut devenir une exploration. Une occasion de revenir à soi, d’apaiser ce qui réagit encore, d’honorer ce qui reste stable et vivant à l’intérieur. La cohérence offre justement cet espace : un lieu intérieur à partir duquel chaque décision, chaque geste et chaque présence peuvent devenir plus justes.


Elle marche dehors en fin d’après-midi, les mains dans ses mitaines, et se surprend à sentir une paix étrange. Elle repense à ce café du matin où, sans y penser, sa respiration s’est naturellement allongée. À ce message d’une amie qui lui a fait du bien. À cette petite décision d’alléger son horaire qui a adouci sa journée. Rien d’extraordinaire, mais quelque chose en elle semble tenir un peu mieux qu’avant.


Lui referme doucement la porte de chez lui après son entraînement. Son corps est plus stable, son esprit plus clair. Il réalise qu’il a ri sincèrement plus tôt, sans effort. Qu’il a eu envie de cuisiner quelque chose de simple. Qu’il n’a pas ressenti la même lourdeur qu’à l’habitude en pensant aux rencontres à venir. De petites choses, presque invisibles, mais qui modifient la texture de son présent.


Et dans cette discrète solidité retrouvée, ils sentent l’un et l’autre que le temps des fêtes peut se vivre autrement. Peut-être pas parfait, peut-être pas léger, mais soutenu par ces points d’appui qui, sans bruit, réorientent la manière de traverser la saison.


Et peut-être que la cohérence commence par une question très simple, presque discrète : Qu’est-ce qui, en ce moment, tient suffisamment bien en vous? Et si vous laissiez ce fil-là se renforcer, doucement, comment cela pourrait-il transformer votre manière de traverser cette période?

 

La cohérence ne se comprend pas seulement, elle se ressent. Pour en faire l’expérience, je vous invite à un court exercice guidé, un moment pour revenir à vous, doucement.

bottom of page